• 3D à Pontarlier : tout le monde avait quelque chose à dire

     

     

    http://www.besancon.mondio16.com/images/articles/134.JPGPlus de 200 personnes pour le samedi 3D de Pontarlier. Bernadette Bourgeois Armurier, la seule déléguée pastorale de doyenné, portait le foulard orangé des animateurs avec une trentaine d’autres.

     

    Monique Jacobée était aux manettes de la vidéo qui a permis à toute l’assemblée de se passer de papier et de suivre le déroulement de la journée  sur le mur de l’église. Une première. « Comme le soleil tournait, nous avons dû changer de mur souvent pour y voir et ne pas être éblouis ».

     

    Plus que la participation, c’est la bonne fusion entre les générations qui a marqué les esprits. Les plus jeunes ont eux aussi « déballé » à leur manière et tandis que les grands débattaient avec Mgr Bouilleret, ils se sont vus présentés des mouvements comme le MEJ ou les scouts. Chacun son truc…

     

    « Nous avons eu beaucoup de questions sur le pardon en lien avec la confession individuelle ou dans son rapport avec l’oubli ». Sur ces points, Mgr Jean-Luc Bouilleret a apporté des réponses éclairantes : « La célébration collective du pardon ne suffit pas. Le sacrement du pardon, c’est une réalité personnelle ». Ou encore « L’oubli est une grâce ». Et en effet, on peut pardonner et ne pas parvenir à oublier une blessure, sans la grâce de Dieu.

     

    Enfin, une question difficile : « Sur la Croix, Jésus dit : Seigneur pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font. Pourquoi  ne pardonne-t-il pas lui-même ? ». Bonne question !

     

    « Jésus n’est pas à l’origine de tout. C’est le Père qui peut tout. Jésus demande donc au Père de pardonner »… A méditer.

     

    Le mot d’ordre : c’est une expérience à renouveler !

     

    La déception : pas suffisamment de personnes extérieures à l’Église malgré des invitations largement distribuées. Franchement, vous avez manqué !

     

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  • http://www.besancon.mondio16.com/images/articles/image%20cendres.jpgLorsqu'on parle du temps du carême à des chrétiens, il arrive fréquemment que la conversation s'oriente immédiatement vers le souvenir des privations, plus ou moins mesquines, du temps de l'enfance.

    Et d’évoquer la tablette de chocolat dont il s’agissait de se priver…des « petits sacrifices » qu’il était bon de s’imposer. Dans le même état d’esprit, d’autres aiment à  se gausser sur le poisson finalement plus agréable (et plus cher) qu’un quelconque morceau de viande ! A vrai dire ces réflexions, en apparences anodines, traduisent en fait un malaise vis-à-vis des exigences de la foi chrétienne. Est-ce une manière plus ou moins élégante de se dédouaner ? Ne risque-t-on pas de « jeter le bébé avec l’eau du bain » ?

    Alors, comment vivre, en vérité et en toute loyauté, ce carême ? Il me semble indispensable de partir de la fête de Pâques, sommet de l’année liturgique et cœur de la foi chrétienne. Rappelons la phrase de Saint Paul : « Si le Christ n’est pas ressuscité, notre foi est vaine ! » Cette résurrection de Jésus irrigue l’ensemble de la foi chrétienne : elle en donne la clé. Il s’agit pour le croyant de se laisser inonder par ce jaillissement de vie : comme le chante une des préfaces du temps pascal « dans le mystère de sa résurrection chacun de nous est déjà ressuscité ! » Pour parvenir à cet état de grâce, pour laisser l’œuvre de Dieu opérer, il n’est pas superflu de s’y préparer par quarante jours d’entrainement (quarantaine =carême). De même qu’un sportif s’entraine d’une manière intensive pour affronter la compétition, de même le croyant s’efforce de préparer son cœur et son corps pour accueillir, en son intime, le Dieu qui s’offre à lui et veut lui communiquer sa propre vie.

    Si le but est bien défini, si l’objectif à atteindre est clairement perçu, alors les « exigences » du carême reprennent toutes leurs significations. Ne serait-il pas bon de règlementer l’usage de l’alcool, du tabac, de l’ordinateur ou du smartphone ? Je connais des familles qui décident de ne pas regarder le petit écran une fois par semaine. Pour pouvoir parler ensemble, jouer ensemble et même ouvrir la Bible ! D’autres se rendront à des « réunions de carême » que souvent les paroisses organisent.

     Je garde confiance : quand la foi est joyeuse, elle devient inventive !

    P. Norbert PETOT


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  • Réflexion parue dans la revue "Développement et Civilisations" N° 406 de septembre 2012

    UNE CRISE ECOSPIRITUELLE ?

    La crise, déplorée de partout, déborde les seules analyses économiques. Elle touche au rapport de l’homme à son environnement. Au lieu de se penser comme un élément d’un ensemble plus vaste, l’homo oeconomicus que nous sommes devenus, se comporte en propriétaire d’une planète qu’il ne cesse de piller. Certains (deep ecology) voient dans le christianisme la cause de nos malheurs, à cause de son anthropocentrisme : l’homme aurait été établi maître de la Création, supérieur aux autres vivants. Est-il utile de préciser que ceci n’est pas la position des autorités religieuses ? Ces dernières soulignent que la Bible établit l’être humain comme le jardinier de la Création, le gérant
    de la nature. Et non pas comme un maître dominateur et prédateur. Parmi ces responsables religieux, on trouve le patriarche orthodoxe Bartholomée de Constantinople.
    Ces écolo chrétiens disent qu’il est possible de trouver une issue à la crise. A condition de mobiliser toutes les énergies et de changer radicalement de chemin. La solution existe, elle n’est pas seulement politique. Là intervient la spiritualité. Ce style d’analyse a le don d’énerver certains de nos contemporains, par exemple des Français attachés à la laïcité. Certains soupçonnent des influences new age dans ce mélange de politique et de religieux, de changements collectifs et de conversion personnelle... Dire qu’il faut mobiliser des ressources spirituelles les inquiète. Nos lecteurs comme les membres de notre Comité de rédaction ont sans doute des opinions variées sur ces sujets. M. M. Egger, actif dans un organisme de solidarité internationale, appelle de ses vœux une écospiritualité, comme condition des autres réformes à mettre en œuvre.
    Antoine Sondag

    Repères pour une écospiritualité

    par Michel Maxime Egger*

    L’écospiritualité de M. M. Egger bouscule les analyses habituelles de la crise. Ou les enrichit si l’on préfère. Au niveau de l’analyse des causes de la crise d’abord, M. M. Egger nous invite à porter notre regard plus loin que les dimensions financières, économiques ou sociales.

    Au niveau des solutions à mettre en œuvre, il invite à un déplacement, du regard pour commencer : metanoia dit-il, c'est-à-dire conversion du regard et du mode de vie. Evidemment, l’usage du mot metanoia pour dire conversion n’est pas innocent sous la plume d’un croyant.

    Un acte de conscience. Tout commence par là. "La lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil », écrit René Char. Dans lucidité, il y a lux (la lu- mière). Être lucide, c’est plus qu’être informé et savoir. C’est avoir l’esprit clair, être « éveillé », touché jusqu’au cœur. Au point de ressentir la nécessité intérieure d’un changement. Or, souvent, tout en étant informés des périls qui menacent la planète, un fossé demeure entre la crise écologique et nos comportements, entre l’acuité des enjeux et les mesures politiques adoptées. « Nous savons, mais nous n’arrivons pas à croire à ce que nous savons » (Jean-Pierre Dupuy).

    Plusieurs facteurs structurels expliquent ce hiatus : inerties du système, jeux de pouvoir et luttes d’intérêt entre les grands acteurs de la mondialisation, foi illusoire dans la technologie et la « croissance verte » – célébrée au Sommet « Rio+20 ». A cela s’ajoute, au plan personnel, une raison plus profonde : la division intérieure entre l’intellect et le cœur. Tout se passe comme si l’information restait bloquée au plan du mental. Elle ne nous brûle pas comme le soleil de René Char. Les maux qui affectent la nature nous « blessent » d’autant moins que nous sommes pour une bonne part « dénaturés », « hors sol », déconnectés de notre substrat naturel par une culture tissée de rationalité froide, d'urbanisation et d'omniprésence de la technique qui fait de plus en plus écran entre notre être et le réel.

    Accomplir un exercice de lucidité

    L’exercice de lucidité à accomplir porte notamment sur trois points. Primo, la gravité et l’urgence de la situation. Oui, la planète est en danger, et avec elle la survie même de l’humanité. Un point à souligner, car une grande partie des élites et de la po- pulation fonctionne encore souvent sur une forme de déni de réalité. Secundo, le sens de la crise écologique. Celle-ci est non seulement systémique, mais proprement apocalyptique. Au sens non pas de la fin du monde, mais à celui – étymologique – du mot apocalypsis qui signifie « révélation ». En tant qu’expression d’une rupture de communion entre l’être humain et la nature, la crise écologique « révèle » la phase terminale d’un système économique et d’un mode de développement – profondément inéquitable – fondés sur la croyance trompeuse en une croissance illimitée qui se heurte aux limites de la biosphère et de l’être humain (burn out). « L’humanité approche d’un point vertigineux où elle aura à faire un choix radicalentre la “métastrophe” et la “catastrophe”, la mutation des consciences et le suicide cosmique », déclarait le philosophe Jean Guitton au début des années 1990. Aujourd’hui, nous n’« approchons » plus de ce point, nous y sommes. En plein dedans. L’humanité est à un carrefour. La « crise » écologique est à comprendre dans l’acception du mot grec krisis : le moment du jugement, du discerne- ment, de la décision. C’est à une une mutation intérieure que nous sommes appelés si nous voulons échapper à l’abîme vers lequel nous fonçons.

     

     

    Tertio, la nature de la crise écologique. Pour la saisir, il convient de ne pas s’arrêter à ses causes symptomatiques, mais de remonter à ses racines. Celles-ci ne sont pas seulement économiques et politiques, mais spirituelles et psychoculturelles. Elles touchent au fondement même de la civilisation occidentale. Elles relèvent du paradigme hérité de la modernité occidentale (fin du XVe siècle) : une conception dualiste, désacralisée, anthropocentrique et masculine du cosmos et de l’être humain – à laquelle la tradition chrétienne n’est pas étrangère. Une vision fondée sur un mode de connaissance réducteur (le rationalisme) qui a donné naissance à l’Homo oeconomicus et conduit à la marchandisation du monde, via l’instrumentation des affects humains les plus profonds (la puissance de désir et la peur). En ce sens, la crise écologique s’ancre dans les profondeurs de l’âme. Elle nous questionne sur la place du sacré dans la nature et dans nos vies. Elle n’est pas seulement au-dehors, mais en dedans de nous.

    Compléter l’écologie extérieure par une écologie intérieure

    C’est à la lumière de ces racines qu’il convient d’agir et d’évaluer les réponses données jusqu’ici à la crise écologique. Certes, il faut des conférences et des conventions internationales, des lois nationales sur le CO2, des réformes politico-économiques, des chartes éthiques de développement durable, des technologies vertes et des écogestes au quotidien. Ces mesures sont nécessaires, mais elles ne suffisent pas. Car elles ne vont pas jusqu’aux racines, elles restent de l’ordre du faire et de l’horizontalité. Il convient d’aller plus loin, de passer à un autre niveau de conscience.

    L’écologie extérieure doit être verticalisée, complétée par une écologie intérieure pour former une écologie intégrale (non intégriste). D’où le concept d’« écospiritualité ». En fusionnant « écologie » et « spiritualité », ce néologisme permet d’échap-per au dualisme et de bien définir ce qui est en jeu. Car il ne s’agit pas simplement d’ajouter – comme une nouvelle couche – une dimension spi- rituelle à l’engagement écologique ou une dimension écologique au cheminement spirituel. Si nous nous ouvrons au mystère de la nature, nous réalisons que l’un ne va pas sans l’autre.

    La crise écologique nous appelle à sortir du paradigme de la modernité qui se trouve à sa source. Cela implique une métanoia personnelle et collective, qui allie transformation de soi et transformation du monde. Quelles sont les composantes d’une telle transformation dont l’enjeu n’est pas uniquement la survie de la planète, mais la redéfinition du sens même de la vie, l’orientation et la finalité du progrès technique et du développement économique ?

    Changer notre regard sur la nature

    Un premier point est d’interroger notre représentation de la nature. La vision dominante en Occident, qui sous-tend le système économique « croissanciste-productiviste- consumériste » (CPC) si destructeur pour la planète, remonte pour aller vite à l’émergence de la modernité occidentale, qui s’est développée à partir de la fin du Moyen Age. On a assisté alors à une naturalisation, mécanisation et chosification de la nature. Ramené d’une présence vivante à une fonction causale (horloger, géomètre, architecte), Dieu a été expulsé de la matière vers une transcendance plus ou moins inaccessible. La nature a été vidée de tout mystère et intériorité. Elle est devenue un objet, une mécanique sans créativité ni intelligence, un stock de ressources à disposition de l’être humain pour la satisfaction non seulement de ses besoins, mais de son avidité infinie. La marchandisation du monde est le fruit de ce formidable processus réductionniste du réel à l’œuvre depuis quatre siècles : l’invisible réduit au visible, le visible au matériel, le matériel à l’économique, l’économique au financier.

    La première tâche consiste donc à sortir de cette vision matérialiste et désenchantée de la nature pour la rétablir dans sa plénitude d’être en lui restituant sa dimension sacrée et de mystère. Évoquer la réalité sacrée de la nature fait souvent peur aux Églises, qui voient tout de suite poindre le retour au culte des divinités païennes contre lesquels le christianisme a lutté pendant des siècles. Dans une perspective écospirituelle, le but n’est pas de prôner une nouvelle religion de la nature, au risque d’en faire une idole, mais de définir une « troisième voie » permettant de dépasser les deux modèles antithétiques dans lesquelles la question écologique est souvent enfermée : le panthéisme – qui identifie la nature à Dieu – et le matérialisme qui objective la nature en lui déniant toute réalité spirituelle.

     

    Fidèle à l’enseignement des Pères de l’Église, la théologie mystique orthodoxe offre des pistes fécondes pour cette tâche de resacralisation de la nature. Elle comprend en particulier une approche peu présente dans le christianisme occidental : le panenthéisme – Dieu en tout et tout en Dieu. Autrement dit, la nature n’est pas d’essence divine, mais elle est en Dieu et Dieu est en elle. Dieu est présent dans la création de deux manières. D’une part, à travers ses idées-volontés (logoi) qui constituent l’empreinte du Verbe (Logos) créateur dans chaque créature. Les logoi « informent » la nature, définissent la raison d’être profonde des créatures dans leur identité unique, leur place dans la symphonie de l’univers et leur finalité ultime : l’union au divin ou transfiguration qui couronne l’évolution de la matière à la vie et de la vie à la conscience. D’autre part, Dieu se manifeste à travers ses « énergies incréées » qui irradient dans toute la création et qui sont puissance de vie, de création et de sanctification.

    Développée en particulier par Maxime le Confesseur (VIIe s.) et Grégoire Palamas (VIIe s.), cette vision non seulement se retrouve sous d’autres formes dans la plupart des traditions mystiques, mais elle rejoint les découvertes de la science contempo- raine qui parle de psycho-matière, de réel « voilé », et considère la matière comme un espace informé par de l’énergie. La nature est donc plus qu’une réalité matérielle obéissant à des lois physiques et chimiques. Elle est un mystère habité d’une Présence et de conscience. Elle appelle en cela au plus grand respect.

    Changer notre regard sur l’homme

    Une nouvelle alliance avec la nature ne sera possible que si l’on revoit également la conception occidentale de la place de l’homme dans la nature. Dans le débat écologique, les positions oscillent entre deux pôles : l’anthropocentrisme et le cosmo- centrisme. Inscrit dans les courants dominants de l’herméneutique biblique et consacré par le rationalisme occidental, le premier pense l’être humain par séparation ou opposition à la nature. Le mot « environnement » en est révélateur, qui fait de la nature une réalité extérieure à l’homme. Celui-ci est placé au centre de tout. Il se situe hors et en-dessus de la nature pour en être le « maître et possesseur » (Descartes). A l’autre pôle, célébré par certains courants de l’écologie profonde, le cosmocentrisme voit l’être humain comme une simple composante parmi d’autres de la nature – plutôt perturbatrice et dégénérée d’ailleurs, au point que la nature se porterait mieux si elle en était débarrassée.

     

     

     

    La crise écologique nous enjoint à dépasser ces deux manières de voir et les impasses auxquelles leur opposition stérile conduit. Une troisième voie – « cosmothéandrique » (Raimon Panikkar) – est possible, fondée sur une relation dynamique et équilibrée entre l’humain, le cosmique et le divin, celui-ci étant le centre caché de toutes choses. Etre à la fois de nature et de culture, l’homme est avec la nature dans une relation dialectique d’insertion mutuelle et de singularité : uni à elle mais sans confusion, distinct d’elle mais sans séparation.

    La première tâche est de « renaturer » l’humain, de retrouver notre unité perdue avec la nature. Dans « humain », il y a « humus », la terre. La même racine se retrouve dans l’humilité. Cette vertu nous convie à reconnaître que la terre n’est pas seulement notre environnement, mais notre origine et notre destin. Nous sommes, disent les scientifiques, poussières de terre et d’étoiles. Nous sommes également, affirment les traditions spirituelles, enfants de la même Terre-mère et du même Père créateur. A travers cette origine partagée, toutes les créatures – astres, animaux, plantes, insectes et même pierres – sont nos « frères » et « sœurs », ainsi que le proclame François d’Assise dans son célèbre Cantique des créatures.

    La notion de microcosme – chère notamment aux Pères de l’Église – exprime bien cette appartenance à la même communauté créaturelle. On en trouve les fondements dans le récit mythique de la Genèse : Dieu façonne l’être humain à partir de la glaise et le même jour que les animaux. Non seulement nous sommes parties intégrante du cosmos, mais – en tant que produit de toute l’histoire de l’évolution – nous portons en nous tous les degrés d’existence ainsi que les trois règnes (minéral, végétal, animal) du monde naturel. La nature est donc inscrite au plus profond de notre corps et de notre âme. Elle est part de notre inconscient et de notre identité, laquelle n’est pas seulement individuelle et sociale, mais aussi cosmique. Il résulte de cette unité ontologique avec la nature une profonde interdépendance et solidarité – physique, énergétique, psychique et spirituelle. Tout ce que nous faisons à la nature, nous le faisons à nous-mêmes et inversement.

    L’homme cependant n’est pas qu’un « animal terrestre ». Selon la tradition biblique, il est aussi microthéos : un être « céleste », créé à l’image de Dieu, doué d’une intelligence autoréflexive, d’un pouvoir créateur et d’une capacité de liberté qui lui confèrent un statut particulier par rapport aux autres espèces. Il n’a pas seulement un corps et une âme, mais aussi un esprit ou intellect spirituel – la « fine pointe de l’âme » selon Maître Eckhart. Présent dans toutes les traditions mystiques, l’esprit est la faculté qui rend l’homme « capable de Dieu » (Saint Augustin), de saisir la création et tous les éléments qui la composent dans leur essence, mystère et dimension sacrée. Or, la modernité occidentale – dans son exaltation de la raison comme instrument souverain de la connaissance – a évacué cette faculté pour réduire l’humain à un composé psychosomatique. Nous vivons aujourd’hui sur une anthropologie mutilée, qui se reflète dans tous les domaines : l’économie avec l’Homo oeconomicus, l’éducation, la santé... Il n’y aura pas d’écologie à la mesure de la profondeur des enjeux actuels sans la refondation d’une anthropologie plénière.

    A la fois microcosmos et microthéos, l’être humain est un « être-frontière ». Il appartient – de par sa constitution – à deux ordres de réalité entre lesquels il est appelé à être un médiateur : le visible et l’invisible, le temporel et l’éternel, la terre et les cieux. Cette condition de pont définit notre vocation. Elle ne nous donne aucune supériorité ontologique sur le reste de la création, mais une responsabilité particulière : participer à la transfiguration du monde (plutôt qu’à sa défiguration) à travers notre propre transfiguration.

    Libre propos

     

    Passer de la théorie à la praxis

    Cet imaginaire réenchanté de la nature et de l’être humain implique des attitudes, des comportements et des politiques à la hauteur de la vocation qui en découlent. Il ne devient fécond et vraiment signifiant que s’il s’incarne dans toutes les dimensions de notre existence. Cela suppose une éthique et des écogestes au quotidien, mais aussi – plus en amont – un processus de transformation intérieure. Les dimensions de cette mutation sont multiples :

    - déconditionner nos facultés liées à l’image de Dieu en nous – la liberté, la puissance rationnelle, le pouvoir créateur – pour en user comme des personnes en quête de communion plutôt que comme des individus égo- centrés, dans une dynamique de coo- pération et d’autolimitation plutôt que dans une logique de domination et d’exploitation-consommation ;

    - acquérir un nouveau mode de connaissance – symbolique et contemplatif – capable de percevoir et vivre l’unité ontologique et l’interdépendance de toute la création, de discerner et respecter les raisons d’être profondes des créatures dans leur mystère et la relation au divin qui les anime. Cela passe notamment par l’éveil de l’intellect spirituel, la reconnexion de la raison – clôturée dans le moulin du mental – avec le reste de l’être et le cœur profond ;

    - gérer notre cosmos intérieur avec tous les animaux sauvages (énergies désordonnées, passions égoïstes, pulsions inconscientes) qui l’habitent et dont nous sommes les jouets. Deux champs en particulier sont à travailler où se joue notre participation au système CPC qui régente la société et détruit la planète : notre puissance de désir (désorientée en envies illimitées de consommation) et la peur du manque sous-tendue par l’angoisse de la mort. Ces deux ressorts intimes sont capturés et manipulés par le marché pour faire de nous des Homini oeconomici dociles ;

    - cultiver les qualités féminines. Un point essentiel, car le triomphe du paradigme écocide de la modernité marque aussi la prédominance des qualités masculines – compétition, intelligence analytique et abstraite, domination, esprit de conquête – sur les qualités féminines : humilité, gratitude, douceur, intelligence holistique et concrète, coopération, compassion, sobriété.

    La sobriété est à comprendre non comme privation, mais comme libération. Une manière de redécouvrir les joies d’une vie plus simple – dans l’abondance de l’être plutôt que dans celle de l’avoir. Elle signifie marcher légèrement sur la terre, afin d’accor- der aux autres créatures – humaines et non humaines – ainsi qu’aux générations futures l’espace nécessaire pour qu’elles puissent vivre et se développer, satisfaire leurs besoins et exercer leurs droits. Une écologie intégrale, en effet, ne saurait exister sans la justice, le partage et la solidarité.

     

    Tisser les fils d’un autre possible

    Une telle mutation intérieure est l’œuvre de toute une existence. Les chemins pour la réaliser sont multiples. Quelle que soit la voie choisie, la bonne volonté et les bons sentiments ne suffisent pas. Une ascèse – du mot grec askèsis, qui signifie exercice – est incontournable. Cela demande une aspiration forte, du temps, une synergie entre la volonté propre et la grâce de l’Esprit. La méditation, la prière et le jeûne en constituent des outils importants dont il convient de redécouvrir la dimension écologique.

    Le défi est immense, mais il ne faut pas se laisser décourager ni céder au sentiment d’impuissance si répandu aujourd’hui. Il convient de commencer là où l’on est, avec ses aptitudes, ses moyens, dans les contraintes qui sont les siennes. Si le capitalisme vit en nous, notre être n’est pas réductible à l’Homo oeconomicus. Nous avons au plus profond de nous une énergie qui résiste, aspire à autre chose, un autrement. C’est cette partie irréductible – liée à image de Dieu en l’homme – qu’il convient d’éveiller et de cultiver pour devenir des « méditants-militants » (Thierry Verhelst). Chacun de nous possède le fil – parfois caché et inconscient, souvent ténu mais non moins réel – d’un autre possible. Celui-ci est d’autant plus solide et fécond qu’il se déploie en coopération avec d’autres. Son lieu d’ancrage est le cœur-esprit et son moteur l’amour. Comme le dit le théologien orthodoxe Kallis- tos Ware, « l’amour est la seule réponse à la crise écologique, car nous ne pouvons pas sauver ce que nous n’aimons pas ».

    FAIRE SA PART

    Eco-citoyenneté, éco-éthique, éco-responsabilité, éco-action, éco-geste... Des bons concepts, qui disent tout et rien à la fois. Le monde bouge, l’humanité s’agite, les organisations de la société civile et les institutions internationales alertent, mais rien ne semble changer. On va de déception en déception, la plus récente est la conférence de Rio+20.
    Aux cris de détresse et regrets des écologistes se joignent ceux des certains dirigeants des puissances mondiales qui se rendent compte de la vulnérabilité écologique dont sont victimes certains continents, l’Afrique par exemple.
    Un concept vide : le principe « POLLUEUR-PAYEUR » a été créé à mon avis pour légitimer cet autre concept en vogue, l’EISE (Etude d’impacts sociaux et environnementaux), devenue comme une condition imposée par les institutions financières internationales pour illustrer leur souci de la préservation de l’environnement. Pourtant on sait bien d’où viennent les menaces écologiques et environnementales et ceux qui en sont responsables.
    Le comportement et les attitudes de l’homme vis-à-vis de la nature ont atteint un niveau on ne peut plus inquiétant. On voit mal d’où viendra la solution. Qu’est-ce qu’est finalement le développement durable/soutenable ? Le Rapport Brundtland nous dit qu’un projet n’est durable que dans la mesure où il répond aux besoins de la génération actuelle sans compromettre les capacités des générations futures à répondre à leurs besoins.
    Lorsque j’observe la réalité rurale des problèmes écologiques, je me demande si nous ne sommes pas, moi le premier, d’abord victimes de nous-mêmes pour aujourd’hui, et, demain, coupables de tout ce que subiront nos enfants et petits enfants. Lorsque l’on demande aux gouvernants de définir des bonnes politiques pour l’écologie et la préservation de l’environnement, on constate que très peu de gens s’engagent à précéder les politiques gouvernementales, à faire volontairement aujourd’hui ce qui sera exigé par la loi demain. Ceci vide le concept d’éco-citoyenneté de tout son sens.
    Ce ne sont pas les terrains d’action qui manquent. Les petits paysans, chacun sur son lopin de terre, sont capables de beaucoup des choses, mais il leur manque des repères, des modèles ou des références. Même les simples informations leur manquent alors que le monde est devenu un village grâce aux technologies de communication.
    On ne peut s’en remettre à la bonne foi, encore moins aux déclarations des sommets internationaux sur les questions de la dérive éco-environnementale qui menace la planète. Il faut développer des ilots d’initiatives, des éco- actions citoyennes basées sur une éco-éthique avec des personnes sensibles et conscientes du problème.
    Mais il faut savoir qu’ils sont peu nombreux, ceux qui sont prêts à y adhérer. Des petits paysans, gestionnaires de microterroirs peuvent contribuer à atténuer la menace, grâce à une économie d’échelle des éco-gestes au travers d’approches comme l’agroécologie. C’est notre espoir pour la résorption du problème.
    Achille Biffumbu, Président de l'association Villages durables au Kiwu (Rép. démocratique du Congo)

     


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